Reconnaissance et valorisation des langues en danger : le rôle des chercheurs dans les projets de revitalisation
Michel Bert  1@  , Colette Grinevald  1  , Bénédicte Pivot  2  
1 : Dynamique Du Langage
Université Lumière - Lyon 2, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR5596
2 : Laboratoire de linguistique diachronique, de sociolinguistique et de didactique des langues
Université Paul-Valéry - Montpellier 3 : EA739, Université Montpellier 2 - Sciences et Techniques

Cette communication est proposée par trois membres du réseau LED TDR (Langues En Danger : Terrain - Documentation - Revitalisation). Ce réseau de recherche international, fondé en 2009 à l'UMR DDL de Lyon, participe depuis à l'approfondissement des réflexions critiques sur les spécificités du travail sur LED (cf. Travail de terrain sur Langues en Danger : Locuteurs et linguistes, Grinevald & Bert 2010). Composé de linguistes, de sociolinguistes et de formateurs en enseignement de langues, il plaide pour une approche contrastive, s'appuyant sur des expériences de long terme de description mais aussi d'accompagnement de projet de revitalisation de LED, particulièrement de langues très menacées (qualifiées par l'UNESCO de langues « sérieusement en danger » ou « en situation critique », jusqu'au cas de langues dites « dormantes »).

Pour cette présentation, nous nous appuierons principalement sur trois exemples de projets de revitalisation, conduits dans des contextes sociopolitiques très différents : langue rama au Nicaragua, langue francoprovençale en France, et langues indiennes d'Oregon, aux Etats-Unis.

Notre communication portera sur la contribution des chercheurs à la reconnaissance et la promotion des LED (Axe 2). Elle abordera aussi certaines questions soulevées dans les autres axes, comme les questions éthiques propres au travail sur des terrains sensibles (Axe 1), les locuteurs de LED appartenant le plus souvent à des populations minoritaires et minorisées, ou la nécessité d'approfondissement des réflexions critique sur le processus et les modalités d'accompagnement des projets de revitalisation (Axe 3).

Nous nous focaliserons sur le rôle des chercheurs dans les projets de revitalisation de LED, en considérant ces derniers prioritairement comme des mouvements de dynamique sociale (Costa 2010) plus que des projets d'ordre essentiellement linguistique. Partant du constat que les chercheurs se trouvent très souvent impliqués comme médiateurs entre les différents protagonistes, nous mettrons l'accent sur la nécessité d'identifier les différents acteurs (locuteurs, consultants, militants, institutions communautaires, régionales ou nationales...) et leurs idéologies respectives concernant la langue et sa promotion, pour dépister les synergies possibles ou au contraire les points d'incompréhension, de friction ou de blocage (cf. Grinevald & Bert 2014).

Cette analyse du terrain (voir par ex. Pivot 2014) constitue un pan du travail de clarification idéologique (Fishman 1991), que doivent conduire les chercheurs. Ce type d'analyses ainsi que leurs restitutions auprès des différents acteurs seront illustrés par des exemples issus des terrains considérés ici, en montrant comment la confrontation entre cette représentation scientifique et une vision émique peut permettre d'améliorer la compréhension du contexte de revitalisation et la collaboration entre les différents acteurs et les chercheurs.

 

Bibliographie

Bert M., Costa C., Grinevald, C., & Martin, J.-B. (dirs.), (2012). Langues de France, langues en danger : aménagement et rôle des linguistes, Actes de la conférence. Cahiers de l'Observatoire des pratiques linguistiques n° 3, Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France, Paris.

Costa, J. (2010). Revitalisation linguistique : discours , mythes et idéologies; approche critique de mouvements de revitalisation en Provence et en Ecosse, thèse de Doctorat. Grenoble 3. Disponible à l'adresse : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00625691/

Fishman J. A. (1991). Reversing Language Shift: Theoretical and Empirical Foundations of Assistance to Threatened Languages, Multilingual Matters.

Grinevald C. & Bert, M. (2014). “Whose ideology, when and where: Revitalization of Rama (Nicaragua) and Francoprovençal (France)?” in P. K. Austin. & J. Sallabank (eds.), Endangered languages: Ideologies and beliefs, Oxford, Oxford University Press, pp. 357-385.

Grinevald, C. & Bert, M. eds (2010). Linguistique de terrain sur langues en danger : locuteurs et linguistes, Faits de Langues 35-36, Ophrys.

Pivot, B. (2014). Revitalisation de langues postvernaculaires : le francoprovençal en Rhône-Alpes et le rama au Nicaragua, Thèse de doctorat, Université Lyon 2.


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