Accompagner le développement communicatif et langagier du bébé prématuré : quel partenariat professionnel – chercheur ?
Tiphanie Bertin  1@  , Christine Da Silva-Genest  2  , Marine Le Mené  3  , Caroline Masson  1  
1 : CLESTHIA - Langage, systèmes, discours - EA 7345  (CLESTHIA)  -  Site web
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Maison de la Recherche 4 rue des Irlandais75005 Paris -  France
2 : Développement, Adaptation et Handicap  (Devah)
Université de Lorraine : EA3450
30 rue du Jardin Botanique CS 30156 54603 Villers-lès-Nancy cedex -  France
3 : Université Sorbonne Nouvelle
Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III : EA1483

Le développement langagier des enfants prématurés présente des décalages touchant les différents niveaux linguistiques, perceptibles dès les premiers mois de l'enfant avec certaines difficultés qui persistent jusqu'à l'âge scolaire (Crunelle et al., 2003 ; Grooteclaes et al., 2010 ; Kern, Gayraud, 2007 ; Le Normand et al., 2000 ; Nazzi et al., 2015). Des liens avec des facteurs neuro-cognitifs sont alors souvent avancés (Lejeune, Gentaz, 2015), mais le manque d'exposition au langage durant la vie intra-utérine et/ou l'hospitalisation est également parfois évoqué (Herold et al., 2008 ; Rand, Lahav, 2014 ; Vohr, 2014). Nombre d'auteurs ont montré l'importance des interactions parents-enfant dès la naissance pour l'évolution future de l'enfant, et notamment au niveau langagier (Bruner, 1983, 1987 ; Meltzoff, Moore, 1977 ; Stern, 1977, 2005 ; Tomasello, 2003 ; Trevarthen, 1979, 2003). Or une naissance prématurée et l'hospitalisation de l'enfant peuvent altérer la mise en place de ces interactions entre les parents et leur bébé. Certaines études mettent cependant en évidence la capacité du bébé prématuré hospitalisé à réagir aux stimuli vocaux (Caskey et al., 2011 ; Filippa, 2013 ; Saliba, 2017).

Nous menons actuellement une recherche visant d'une part à étudier le développement des capacités communicatives et langagières des bébés prématurés et d'autre part à réfléchir au lien possible avec les interactions parentales précoces dont ils ont bénéficié durant leur hospitalisation. Un suivi longitudinal trimestriel de 8 enfants de 3 à 24 mois d'âge corrigé est en cours, basé sur des passations de l'échelle de la communication sociale précoce (Guidetti, Tourette, 2009), sur des vidéos d'interactions parents-enfants et sur des questionnaires IFDC (Kern, Gayraud, 2010). Nos premières observations semblent faire ressortir que le développement communicatif serait moins touché par le décalage développemental que le développement langagier, allant ainsi dans le sens des précédentes études sur les capacités communicatives précoces de ces enfants (Tremblay-Leveau et al., 1999).

Une recherche sur cette thématique nous semble permettre d'illustrer tout l'intérêt d'un travail collaboratif :

- entre chercheurs de disciplines variées (linguiste, orthophoniste, psychologue, psychomotricien, pédiatre) : l'étude des phénomènes interactionnels et langagiers chez les enfants prématurés nécessite, peut-être plus que chez les enfants nés à terme, de prendre en compte l'enfant dans sa globalité ;

- entre chercheurs et soignants : une meilleure connaissance des capacités communicatives du bébé prématuré et du rôle des interactions précoces, enrichie des besoins et de l'expérience du terrain, permettra de réfléchir ou de préciser les dispositifs d'accompagnement à mettre en place ou déjà en place auprès de ces enfants et de penser des outils pratiques à proposer aux parents, très souvent demandeurs de clés pour interagir et soutenir le développement de leur enfant.

 

Bruner, J.S. (1983). Le développement de l'enfant : savoir faire, savoir dire. Paris : PUF.

Bruner, J .S. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. Paris : Retz.

Caskey, M., Stephens, B., Tucker, R., Vohr, B. (2011). Importance of parent talk on the development of preterm infant vocalizations. Pediatrics, 128, 910–916.

Crunelle, D., Le Normand M.T. & Delfosse, M.J. (2003). Langage oral et écrit chez des enfants prématurés : résultats à 7ans et demi. Folia Phonatrica et Logopaedica, 55, 115-127.

Filippa, M. (2013). La voix maternelle et le bébé prématuré. Thèse de doctorat en psychologie. Université Paris 10.

Grooteclaes, V., Docquier L. & Maillart C. (2010). Le langage spontané des enfants prématurissimes : analyse du langage descriptif et informatif. Glossa, 108, 1-17.

Guidetti M. & Tourrette, C. (2009). Echelle d'évaluation de la Communication Sociale Précoce. Paris : Eurotests Editions.

Herold, B., Höhle, B., Walch, E., Weber, T., Obladen, M. (2008). Impaired word stress pattern discrimination in very-low-birthweight infants during the first 6 months of life. Developmental Medicine and Child Neurology, 50, 678–683.

Kern, S. & Gayraud, G. (2007). Influence of preterm birth on early lexical and grammatical acquisition. First Language, 27(2), 159-173.

Kern, S. & Gayraud, G. (2010). Inventaire Français du Développement Communicatif (IFDC). Grenoble : La Cigale.

Lejeune, F. & Gentaz, E. (2015). L'enfant prématuré. Développement neurocognitif et affectif. Paris : Odile Jacob.

Le normand, M.T., Parisse, C. & Crunelle, D. (2000). Acquisition du langage chez l'enfant à risque biologique et social: le cas des enfants prématurés. Rééducation orthophonique, 38(202), 11-38.

Meltzoff, A.N. & Moore, M.K. (1977). Imitation of facial and manual gestures by human neonates. Science, 198, 75-78.

Muller Nix C., Forcada-Guex, M., Borghini, A., et al. (2009). Prématurité, vécu parental et relations parents/enfant :

éléments cliniques et données de recherche. La psychiatrie de l'enfant, 52(2), 423-450.

Nazzi, T. (2015). Acquisition du langage chez l'enfant prématuré durant la première année de vie. Archives de pédiatrie, 22,1072-1077.

Rand, K. & Lahav, A. (2014). Impact of the NCIU environment on language deprivation in preterm infants. Acta Paediatrica,

103, 243-248.

Saliba, S. (2017). Exposure to human voices has beneficial effects on preterm infants in the neonatal intensive care unit. Acta Paediatrica, 107(7).

Stern, D. (1977). The first relationship : Infant and mother. Cambridge : Harvard University press.

Stern, D. (2005). Le désir d'intersubjectivité. Pourquoi ? Comment ?. Psychothérapies, 25(4), 215-222.

Tomasello, M. (1999). Social cognition before the revolution. In Rochat, P. (Ed.), Early Social Cognition. Understanding Others in the First Months of Life, 449-460. Mahwah, N.J. : Erlbaum.

Tomasello, M. (2003). Constructing a language : a usage-based theory of language acquisition, Cambridge, MA : Harvard University Press.

Tremblay-Leveau, H., Lemaitre-Boquet, L., Megan, A., et al. (1999). Les actions de communication chez les bébés prématurés à haut risque. Enfance, 52(1), 33-42.

Trevarthen, C. (1979). Communication and cooperation in early infancy : A description of primary intersubjectivity. In Bullowa, M.M. (Ed.). Before Speech : The Beginning of Interpersonal Communication. New York : Cambridge University Press.

Trevarthen C. & Aitken, K.J. (2003). Intersubjectivité chez le nourrisson : recherche, théorie et application clinique. Devenir,15(4), 309-428.

Vohr, B. (2014). Speech and language outcomes of very preterm infants. Seminar in Fetal & Neonatal Medicine, 19, 78-83.

 

Mots-clés : 

Développement langagier; enfants prématurés; relations professionnels-chercheurs


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