Apprendre à jouer: Comment apprendre la ludicité aux enfants. Une perspective interactionnelle
Heike Baldauf-Quilliatre  1  , Isabel Colón De Carvajal  2@  
1 : Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations  (ICAR)  -  Site web
École Normale Supérieure [ENS] - Lyon, INRP, Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, Université Lumière - Lyon II, CNRS : UMR5191, École Normale Supérieure (ENS) - Lyon
5, av Pierre Mendès-France 69676 BRON CEDEX -  France
2 : Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations  (ICAR)  -  Site web
École Normale Supérieure - Lyon, Université Lumière - Lyon II, CNRS : UMR5191
5, av Pierre Mendès-France 69676 BRON CEDEX -  France

Dans cette communication, nous nous proposons d'examiner la co-construction du jeu dans une interaction de jeu de société entre parents et (jeunes) enfants. Nous focalisons plus particulièrement sur la complexité des cadres de participation (Goffman 1981, Goodwin & Goodwin 2004) et la manière dont les participant.e.s construisent l'interaction comme ludique.

Notre analyse se situe dans le cadre méthodologique de l'analyse conversationnelle et a été réalisée dans le cadre du projet ASLAN JouEs! (Jouer Ensemble: Pratiques interactionnelles du jeu). Nous présenterons une étude de cas d'une interaction d'une famille composée des deux parents et trois enfants, réunis autour d'une grande table et jouant pendant 45 minutes à différents jeux de société (jeux de cartes et jeux de plateau).

Nos données montrent que jouer ensemble n'est pas une capacité innée, mais une pratique qui s'apprend. En jouant avec leurs enfants, les parents n'expliquent pas uniquement les règles du jeu et ne veillent pas seulement au bon déroulement des parties, ils montrent également en quoi consiste jouer ensemble. Pour faire cela, ils agissent dans des cadres de participation complexes: D'un côté, les parents accomplissent simultanément les rôles de joueurs qui incarnent un personnage dans le jeu et d'instructeurs qui guident les enfants d'une perspective externe, les encourageant à accomplir les actions suivantes, à continuer à jouer etc. De l'autre côté, ils montrent que l'interaction et ainsi d'éventuelles compétitions sont ludiques. Les enfants, quant à eux, répondent soit au joueur comme co-participant dans le jeu, soit au parent comme co-joueur. Dans les deux cas, ils peuvent accepter ou rejeter le guidage.

L'analyse se situe dans l'axe 2 (Enjeux sociétaux). Elle vise à comprendre, dans un premier temps, l'interaction entre parents et enfants comme interaction intergénérationnelle avec différents enjeux des deux côtés. Nous nous appuyons ici sur des travaux interactionnels dans des situations de la vie courante (Goodwin 2007, Cekaite 2010, Goodwin/Cekaite 2013). La présence d'un objet (le jeu et ses composantes matérielles) et la focalisation de l'interaction sur une activité commune non-langagière (jouer) construisent une situation particulièrement intéressante. Dans un deuxième temps, l'étude cherche à participer à la description de la ludicité dans une perspective interactionnelle. Si la “société ludique” (Cotta 1980) semble caractériser nos sociétés occidentales contemporaines, comprendre en quoi consiste la ludicité dans l'interaction et par quelles pratiques elle est construite, permet de mieux répondre aux mises en garde alarmistes. Nos analyses sont liées à d'autres travaux sur d'autres situations montrant que la ludicité n'est pas une caractéristique de la situation (ou de la société), mais une co-construction locale des participant.e.s dans l'interaction (Ardington 2011, Waring 2012, Holt 2016).


Personnes connectées : 1