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Locuteurs sourds, langue(s) et identité(s) : (Re)constructions aux contours multiples
Saskia Mugnier  1@  
1 : LInguistique et DIdactique des Langues Étrangères et Maternelles  (LIDILEM)  -  Site web
Université Stendhal - Grenoble 3 : EA609, Université Grenoble Alpes

La surdité, est un contexte sensible, en France comme ailleurs, intéresse de nombreuses sphères sociales ; la mise en œuvre de politiques spécifiques dépend des corpus théoriques, philosophiques, économiques et politiques impliqués selon les époques considérées.Les recherches que nous menons depuis une douzaine d'années sont toutes ancrées dans la surdité, appréhendée, toujours qualitativement, sous divers angles, en croisant les regards sourds et entendants. La communication s'appuiera sur nos recherches sociolinguistiques et sociodidactiques et sur notre expérience de formation et de mise en place d'ingénierie pédagogique auprès de publics sourds adultes. 

 Dans un premier temps en nous appuyant sur des discours d'acteurs scientifiques dans le champ de la surdité, nous montrerons comment cet objet, jetant un regard ambivalent sur le Même et l'Autre, se décline comme une forme très spécifique de l'altérité – imposée puisque plus de 90% des enfants sourds naissent de parents entendants – a été réduit ou, au contraire, magnifié. Le rapprochement de la situation des sourds, locuteurs de LSF, aux situations sociolinguistiques des minorités linguistiques s'est opéré, en France, dès les premiers travaux de sociologues et de linguistes, et a certes favorisé la reconnaissance sociale et linguistique de la LSF, mais a aussi contribué à façonner les contours du locuteur sourd qui y sont dessinés entrainant des représentations exclusives : « sourd oral » vs « sourd gestuel » (Millet, 1993).

 En second lieu, des dires de locuteurs sourds adultes intégrés dans une formation de professeur de LSF en 2017 étaieront cette discussion. Il s'agira de comprendre la construction des identités sociales et professionnelles de ces futurs enseignants de LSF dans un contexte dans lequel les langues en contact ont été pensées/vécues comme s'inscrivant dans un conflit clivant, et de montrer comment ont pu se (re)(dé)construire des positionnements sociaux entre revendication de la LSF comme étendard identitaire d'une « culture sourde » et acceptation de la LSF comme simple outil d'une « culture de communication » [Ludi & Py, 1989]. Se pose ici la question de savoir comment inégalités des langues et « loyautés langagières historiques » articulent des trajectoires différenciées chez ces futurs enseignants de LSF. 

La mise en résonnance des deux corpus sera ainsi à même, d'apprécier les effets des constructions idéologiques de la surdité, d'en démont(r)er les mécanismes pour donner des clefs à même de pouvoir (re)donner toute leur place aux trajectoires socio-langagières effectives – que nos recherches mettent en évidence – et dépasser les clivages idéologiques à l'œuvre. Melle permet en outre d'enrichir la réflexion en didactique des langues, en mettant en relation les différents terrains d'intervention : enseignement, formation et recherche.


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