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Le journalisme comme médiation linguistique et culturelle dans un pays multilingue: l'usage et les représentations du néerlandais par les journalistes belges francophones
Catherine Bouko  1@  
1 : Ghent University

1. Lien avec l'appel à communications : enjeu sociétal de notre recherche

La Belgique compte trois communautés, parlant respectivement le français, le néerlandais et, dans des proportions moindres, l'allemand. Cette configuration multilingue ne rend pas tous les Belges polyglottes, loin s'en faut : le cliché du wallon nul en néerlandais et sans intérêt pour la Flandre a la peau dure et se vérifie quelque peu dans les chiffres : de façon constante depuis plusieurs années, les élèves francophones choisissent de moins en moins le néerlandais comme première langue étrangère à l'école, au profit de l'anglais (d'Otreppe 2017). De même, on observe aujourd'hui un phénomène similaire en Flandre (Naczyk 2017). A l'heure où chacune des deux communautés parle de moins en moins la langue de l'autre, nous nous sommes demandé dans quelle mesure les médias jouent aujourd'hui un rôle de transmission et de partage des langues et des cultures des deux côtés de la frontière linguistique.

 

2. Objectifs de la recherche

Notre recherche porte sur les journaux télévisés produits par la RTBF, chaîne publique belge francophone. Nous souhaitions en effet évaluer comment le téléspectateur entre en contact avec la communauté flamande et avec sa langue par le biais des informations quotidiennes. Au-delà des repères chiffrés sur l'usage du néerlandais obtenus grâce à une analyse de contenu de journaux télévisés, nous avons surtout voulu étudier, de façon qualitative, les représentations et usages du néerlandais par les journalistes francophones, dans toutes les étapes de travail jusqu'au passage à l'antenne.

 

3. Méthode

Nous avons mené quinze entretiens qualitatifs (d'une durée entre 30 et 60 minutes) avec des journalistes. Cette cohorte représente un peu plus du tiers des journalistes y travaillant. Nous avons également rencontré le chef d'édition du journal télévisé, dans le but de connaître les positions institutionnelles autour du néerlandais. Les intervenants choisis ont interviewé au moins une personne néerlandophone dans un de leurs sujets diffusés dans une édition du JT, entre les mois de juillet et d'octobre 2017 (période prise en compte pour l'analyse de contenu). Nous avons veillé à la variété des profils des journalistes en termes de spécialité (cellules société, politique, culture et sport) et en termes d'âge et d'expérience professionnelle.

Les extraits d'entretiens ont été rassemblés et analysés dans des « catégories conceptualisantes » (Paillé and Mucchielli 2016: 17), afin de dépasser l'approche descriptive pour faire émerger les questionnements, problématiques et enjeux liés à leurs pratiques professionnelles.

Par ailleurs, nous avons pris en compte le fait que tout entretien crée une scène, au sens goffmanien, sur laquelle tant le chercheur que le répondant jouent un rôle social et ancrent leurs prises de parole dans des postures d'entretien. Prendre en compte ces postures discursives est particulièrement important lorsque l'on questionne des journalistes sur leurs compétences linguistiques, dans la mesure où celles-ci touchent directement leur identité professionnelle. Par conséquent, notre analyse comprend une analyse de discours afin d'identifier leurs pratiques discursives lorsqu'ils parlent du néerlandais, en particulier leur utilisation fréquente de l'euphémisme et de la litote.

 

Références citées

D'Otreppe, Bosco. 2017. ‘Les Écoliers Wallons Snobent de plus En plus Le Néerlandais'. La Libre Belgique, 18 Septembre 2017.

Naczyk, Rafal. 2017. ‘Faut-Il Encore Être Bilingue ?' Moustique, 14 Octobre 2017.

Paillé, Pierre, et Alex Mucchielli. 2016. L'analyse Qualitative En Sciences Humaines et Sociales. 4e éd. Paris: Armand Colin.


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