Le contexte de notre étude est celui d'un séminaire de recherche (corpus Présences Numériques, ICAR 2017) portant sur les présences numériques. Trois artefacts de téléprésence différents (Beam, Kubi et Adobe Connect) sont utilisées pour que les personnes à distance puissent suivre ce séminaire, à la fois hybride et polyartefacté. Nous interrogeons la façon dont chacun est sollicité pour se situer, comprendre réflexivement et redéfinir en permanence ce que signifie communiquer dans ce cadre. Nous analysons les affordances attentionnelles dégagées par le groupe de participants, tant physiquement présents dans la salle que présents par l'intermédiaire de ces artefacts. En s'intéressant au séminaire de recherche comme pratique professionnelle, notre proposition rend compte d'une intervention de la recherche sur ses propres pratiques, en partant du constat que les pratiques des chercheurs évoluent et que la linguistique appliquée a quelque chose à dire sur ces reconfigurations.
Nous travaillons dans le cadre d'une épistémologie contributive (Paveau, 2018 : 79), qui co-construit “les points de savoir et de questionnement qui vont être intégrés dans les pratiques de recherche”, avec les affordances et l'attention comme “contributeurs épistémiques”. L'intérêt de notre démarche est d'envisager les dynamiques attentionnelles comme reconfigurant la pratique même du séminaire de recherche en ouvrant des scénarios interactifs polycentriques, tout en conservant des effets de cadrage partagé.
A l'aide d'une méthodologie mixte issue de la linguistique appliquée et des sciences de l'information et de la communication, nous nous penchons sur la circulation de la parole et et le mimo-gestuel en lien avec ces dynamiques. Nous étudions notamment la technogénèse de l'attention (Depraz 2014, Vial 2013) associée à la question de la visée capacitante de la technologie. Par une analyse des interactions outillées et situées et des discours des participants sur la situation, nous cherchons à voir comment ce dispositif techno-sémiotique intervient sur les ressources, les langages et les postures des participants.
Nos premières analyses nous permettent des retours au terrain qui peuvent concerner à la fois les formateurs en formation à la recherche, et les industriels en conception de dispositifs de téléprésence, ce qui inscrit notre communication dans l'acte 3 du colloque. Nous mettons en lumière la co-construction d'affordances attentionnelles dans l'interdépendance des artefacts utilisés simultanément, ou co-affordances (Patella-Rey, 2013). Notre étude de cas permet de rendre compte de la complexité de la participation permise par le dispositif instrumenté. Ainsi, à travers l'étude de la co-construction des affordances attentionnelles dans un contexte polycentrique (Blommaert, 2005), nous abordons plus généralement la contribution de la linguistique appliquée aux interactions par écran.
Bibliographie
Blommaert, J. (2005) Discourse: A critical introduction. Cambridge: Cambridge University Press.
Depraz, N. (2014). Attention et vigilance à la croisée de la phénoménologie et des sciences cognitives. Paris : Presses universitaires de France.
Hutchby, I. (2001). Technologies, Texts and Affordances. Sociology, 35(2), p. 441-456. https://doi.org/10.1177/S0038038501000219
Interactions, corpus, apprentissages et représentations - UMR 5191 (ICAR) (2017). Présences numériques [Corpus]. ORTOLANG (Open Resources and TOols for LANGuage) - www.ortolang.fr, https://hdl.handle.net/11403/impec/v1.
Patella-Rey, P. J. (2013). Materiality Matters: Confronting Digital Dualism with a Theory of Co-Affordances. sur Cybrogology, https://thesocietypages.org/cyborgology/2013/03/21/materiality-matters/, 21mars 2013.
Paveau, M.-A. (2018). Le genre : une épistémologie contributive pour l'analyse du discours. In Husson A.-C. et al. Dir., Le(s) genre(s). Définitions, modèles, épistémologie. Lyon: ENS Éditions, p. 79-95.
Vial, S. (2013). L'Etre et l'écran. Paris : Presses universitaires de France..