En 2018, notre laboratoire a été sollicité par des établissements scolaires en REP+ pour mener, avec des enseignant-es, une réflexion autour du lexique. Ceux-ci s'inquiétaient d'un déficit au niveau du vocabulaire des élèves. Très rapidement, nous nous sommes aperçus avec les enseignant-es que la question était plus vaste qu'un problème de vocabulaire, et qu'elle concernait en réalité l'apprentissage et l'enseignement de la langue française en général. Différentes interventions ont alors été décidées, mais je vais me restreindre aux deux dans lesquelles je suis impliqué, à savoir les difficultés de compréhension des énoncés d'exercices de mathématiques et l'enseignement du langage oral.
Les difficultés liées à la formulation des exercices ont été repérées depuis longtemps (Demarty Warzée, 1992) mais l'adéquation linguistique à l'âge de l'élève ne semble toujours pas faire l'objet d'une attention particulière dans les manuels que j'ai consultés (en l'occurrence ceux de la série Cap Maths). Et malheureusement, l'opacité d'un exercice rend d'autant plus difficile l'accès aux notions mathématiques et aux calculs que l'élève est censé apprendre. Cependant, lors de mes observations de séances (en CE1 et CE2), un autre obstacle est apparu : la nécessité de prendre en compte, en plus du texte, les informations présentées sous forme d'images, ce qui pose énormément de problèmes aux élèves. Étant enseignant-chercheur en linguistique de corpus, cet aspect est très éloigné de mon champ de compétence. Se pose alors la question de savoir quelle démarche adopter lorsque l'on se retrouve face à une dimension externe à notre domaine de spécialité : faut-il apporter notre point de vue ou faire appel à des experts du domaine, ce qui n'est pas toujours possible ?
Pour ce qui est de l'enseignement du langage oral (voir parmi beaucoup d'autres Grandaty & Lafontaine, 2016), j'ai également assisté à des séances et procédé à l'enregistrement et aux transcriptions des productions d'élèves de CE2. Le langage oral en contexte scolaire représente un domaine où la recherche semble avoir peu pénétré dans les salles de classe. De plus, le langage oral est encore aujourd'hui souvent présenté de manière caricaturale dans les manuels scolaires. Il a donc fallu mener une réflexion autour des objectifs, de l'évaluation et de l'étayage, en partant notamment des corpus existants afin de servir de référence. Une des dimensions importantes de mon intervention a d'ailleurs été de faire connaitre l'existence de corpus et de lexiques ainsi que les méthodologies qui vont avec.
Dans le cadre du colloque, je me propose de présenter en détail les deux volets de mon intervention au sein des écoles, en soulignant le travail d'ajustement du linguiste au terrain et la nécessité de s'aventurer en dehors de sa spécialité. J'aborderai également les incidences du cloisonnement par champ disciplinaire : les problèmes de mathématiques sont traités par la didactique des mathématiques alors qu'il existe une nécessité de l'aborder également par l'angle linguistique.
Références bibliographiques
Demarty Warzée J. (1992). Une technicité masquée : la lecture des énoncés et consignes. In: Linx, n°27. Les Français Professionnels. pp. 45-63.
Grandaty M. & Lafontaine L. (dir.) (2016). L'enseignement de l'oral à l'école. Les Dossiers des sciences de l'éducation, n° 36, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 204 p.