Résumés > Estève Isabelle

Apports de la (socio)linguistique appliquée pour la Médiation de l'Information à destination des MNA en France
Isabelle Estève  1@  , Guillaume Coron  2  , Sydney Gaultier  3  
1 : Laboratoire LIDILEM
Université Grenoble Alpes
2 : EDP Le Charmeyran
Foyer de l'Enfance Sud Isère
3 : Laboratoire LIP/PC2S
Université Savoie Mont Blanc

Le projet MIMNA vise à répondre aux besoins informationnels des mineurs non accompagnés (MNA) – adolescents de moins de 18ans qui sont accueillis en France par les dispositifs de protection de l'enfance –, en élaborant des outils non-linguistiques de médiation des savoirs[1] pour optimiser le soutien social informatif fait par les travailleurs sociaux. Cette recherche-action interdisciplinaire est née de la convergence, autour d'une demande sociale forte dû à des flux migratoires de plus en plus important, de l'expertise de terrain de professionnels d'un centre d'accueil d'urgence, d'une expertise en psychologique interculturelle appliquée aux MNA et d'une expertise en (socio)linguistique appliquée à la médiation en contexte exolingue et interculturel.

Nous montrerons dans cette communication comment les regards (socio)linguistiques entrecroisés avec ceux de l'expertise des professionnels de terrain, portés sur les problématiques linguistiques, interculturelles et interactionnelles d'accès à l'information des MNA, ainsi que sur les pratiques informationnelles existantes dont les logiques d'accessibilité sont largement linguistico-centrées, ont servi de base à l'élaboration d'un livret d'accueil exclusivement non-linguistique et visuel.

Peu renseignés, à notre connaissance, dans la littérature, et peu pris en compte par les structures d'accueil, les problématiques d'accès à l'information des MNA constituent, tant au niveau linguistique – compétence peu développée dans la langue du pays d'accueil et/ou dans la langue utilisée pour la traduction –, interculturel – rupture dans les univers de signification (Marandon, 2003) – qu'interactionnel – incompréhension/malentendu dû aux pré-discours[2] non partagés (Paveau, 2007) – un noeud central dans les mesures de protection de ce public en situation de vulnérabilité. En effet, la majorité de ces jeunes étant allophones (près de 100%) et pour certains non scolarisés antérieurement (40%), répondre aux difficultés liées à l'accessibilité linguistique et plus largement cognitive des savoirs socioculturels en contexte interculturel (environnements institutionnels, procédures et décisions administratives, hébergement, identité des professionnelles, etc.) constitue un enjeux central. Nous supposons que l'insécurité informationnelle – liée à l'incompréhension des conditions de leur accueil, de leur situation administrative (évaluation minorité/isolement), des mesures décidées pour eux – aggrave ou participe au maintien des troubles psychopathologiques dont sont déjà porteurs certains jeunes (Vervliet, et al., 2014 ; Gautier & Yahyaoui, à paraître).

Afin de garantir l'accès à l'information de l'ensemble des MNA dès leur accueil, et de favoriser par là-même leur empowerment[3], quel que soit leur niveau de français, leur langue-culture d'origine, la présence ou non d'un interprète à leur arrivée, l'élaboration d'outils non-linguistiques et visuels de médiation des savoirs(Gardiès & Fabre, 2010) constitue un enjeu prioritaire pour outiller les professionnels.

Notes bibliograhiques :

[1] « Si l'information est considérée comme un contenu cognitif situé dans un processus de communication où le récepteur a un rôle primordial d'activation, d'interprétation et d'appropriation « les nouveaux processus de médiation [qui]doivent, en s'appuyant sur la complexité croissante des dispositifs, prendre en compte l'activation du sens par le récepteur [...], pour lui permettre d'appréhender et s'approprier l'information afin de construire des connaissances signifiantes pour lui » » (Fabre & Gardiès, 2010 cité par Gardiès & Rinaudo, 2015).

[2] « contenus sémantiques (au sens large de culturel, idéologique, encyclopédique), c'est à dire des savoirs, des croyances et des pratiques [qui ont un rôle [dans] la production et l'interprétation du sens en discours ]. » (Paveau, 2007 :7)

[3] L'empowerment désigne le sentiment pour le sujet d'être maître de ses choix. Cette approche est reconnue pour favoriser la résilience. Selon Bossé et Lavalée (1993), ce concept peut être défini comme « un processus par lequel une personne qui se trouve dans des conditions de vie plus ou moins incapacitantes, développe par l'intermédiaire d'actions concrètes, le sentiment qu'il lui est possible d'exercer un plus grand contrôle sur les aspects de sa réalité psychologique et sociale » (cité par Laguerre, 2017, p.73).


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